Alugraphie sur organdi – 3 couches – 70X60cm – 3 exemplaires – 2014/2015
Alugraphy on organdy – 3 layers – 70X60cm – 3 copies – 2014/2015
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En suspens
Le Portrait se trouble. Sur trois supports textiles fins, à trame serrée et suffisamment transparents, trois portraits de femmes imprimés flottent, superposés les uns sur les autres. Si l’on y regarde de près, certains fragments de portraits montrent des traits singuliers résiduels. Mais c’est dans une addition, proximité avec les autres, qu’ils sont suspendus. Il s’en faut de peu, pour que le «portrait multiple» devienne une masse indistincte : pas assez de détails enlevés à partir des photographies originales scannées, encrage qui “bouche” la trame, etc. Ces visages de femmes mêlés semblent décollés, enlevés délicatement de la surface des images.
Issues des albums de famille, échouées sur les stands de brocantes, elles ont perdu leur place dans un récit plus intime. Elles n’interrogent plus la généalogie ou les secrets. Des indices nous disent malgré tout quelque chose. Il fallait « descendre en ville » ou se rendre chez le photographe du quartier. Elles prenaient la pose. De cette époque des trente glorieuses ce sont ici des fragments qui apparaissent dans les masses découpées par en noir (encre) et blanc (textile) : chevelures, reliefs imprécis, regards obscurcis, sourires francs ou esquissés. Pris de trois quart certains regards s’échappent par les côtés, ailleurs. Elles ne sont pas toutes de face. Certains visages obscurcis par l’ombre (contraste accentué, encre et superposition) semblent nous tourner le dos, se tourner vers l’intérieur ou les dessous du feuilletage.
Échappés des histoires singulières, ces visages de femmes oscillent. Dans un lieu ou territoire traversé regardé, avec ces trois strates imprimées. Ce dispositif serait-il un lieu d’échange (commun), ou bien un lieu qui étoffe ces figures féminines anonymes ? Dans l’idéal cette exposition en triple épaisseur n’est pas figée. Les trois supports sont cousus par le haut en deux points, les tissus sont suspendus en décalé. Un courant d’air et ils frémissent.
Béatrice Martin
Exposition « Prix Louis Schmidt: l’image imprimée », ULB, Bruxelles, Janvier 2016
Exposition « Image Imprimée », NEF de la Halle Roublot, Fontenay-sous-Bois (France). Juin – juillet 2017